Mittwoch, 13. Juni 2007
Interview | Entrevue Anne Tismer
perspectives, 16:28h
Interview d’Anne Tismer, interprète dans les deux langues de « Le 20 Novembre », une pièce de Lars Norén traduite en allemand et en français.
Par Aurélie Youlia, comédienne bilingue de culture française et allemande.
(interview en allemand, traduction Marion Bohy-Bunel)
Aurélie Youlia: Vous jouez „Le 20 Novembre“ au festival de Saarbruck en français et en allemand. Quelle est la version originale?
Anne Tismer: La première était en français, elle a été jouée pendant le festival de Liège. Lars Norén, auteur et metteur en scène de la pièce, est suédois. Nous parlons anglais ensemble, et pour le français nous avions une interprète.
A.Y: Le titre fait directement allusion à ce qui s’est passé le 20 novembre dernier à Emsdetten (Rhénanie-Westphalie), quand le jeune Sebastian Bosse a ouvert le feu dans son ancienne école sur plusieurs de ses camarades de classe.
A.Tismer: La pièce ne parle pas que de ce garçon, mais c’est l’éditeur qui voulait ce titre.
Lars Norén voulait l’appeler « Destruction », parce qu’il est question de tout faire exploser. Mais il ne s’agit pas de faire un documentaire sur l’histoire de Sebastian Bosse.
A.Y: Mais les photocopies que vous distribuez pendant la représentation sont bien des extraits originaux de son journal intime ?
A.T : Oui. La première fois que je l’ai lu, j’ai été très impressionnée qu’il y ait quelqu’un qui fasse l’annonce sur Internet de ce qu’il voulait faire. Et aussi qu’il raconte des choses dont on ne parle presque jamais à l’école, parce que quand on est adolescent on pense être responsable de ce qui nous arrive, et ça nous fait honte. Mais ce garçon a écrit sur sa souffrance et ses humiliations. Et là, je me suis souvenu de mes propres expériences à l’école.
A.Y : C’est à peu près la même chose pour le spectateur, même si on n’a pas forcément envie de devenir des meurtriers tout de suite.
A.T : Ce qui est très important, c’est qu’il n’était pas une victime. Mais des pensées comme celles-là, ça ne vous laisse pas de repos, et à un moment donné, quelque chose doit se passer. Mes souvenirs d’école ont été un véritable déclencheur pour l’interprétation de cette pièce.
A.Y: L’autoreprésentation dans cette génération est fortement imprégnée d’Internet, de la télévision, d’attitudes que vous reprenez vous-même dans la pièce.
A.T : Des nos jours, n’importe qui peut se montrer sur You-Tube-Canal, et voir son image diffusée en un clin d’œil dans le monde entier. Partout, on vous impose un modèle. En Allemagne, tout le monde est fan d’un quelconque Américain, ils ont la cote. C’est pour ça que Sebastian parle en anglais, parce qu’il veut que tout le monde le comprenne. Mais il n’aura jamais cette chance, et Internet est tout ce qu’il lui reste.
A.Y: Le fait de jouer en allemand ou en français fait-il pour vous une différence ?
La représentation en allemand semblait plus dure, plus choquante et plus explosive. A.T: Cela vient du fait que c’est moi qui ai traduit la pièce du français vers l’allemand. J’en ai profité pour faire des modifications et rendre certaines choses encore plus violentes.
A.Y: Était-ce votre première collaboration avec Lars Norén ?
A.T: Oui. Nous avions un collègue en commun, qui m’a demandé si je voulais faire quelque chose en français avec Lars Norén, et j’ai dit oui. Puis il a demandé à Lars, qui ne me connaissait pas, et nous avons réfléchi à ce que nous voulions faire. Pendant ce temps, il y a eu cet épisode à Emsdetten. Et là j’ai su que je voulais faire quelque chose sur ce sujet.
A.Y: Et Norén a écrit le texte pour vous ?
A.T: Oui. Il est parti du texte que ce garçon avait écrit sur Internet, et il l’a transposé dans sa propre écriture théâtrale.
A.Y: Quelle a été la réaction du public jusqu’à maintenant ?
A.T: Très variée. Certaines personnes ont quitté la salle parce que le texte contient des passages fascisants. Après quelques représentations, j’ai mené des discussions plus longues. Parfois les gens ne savent pas du tout ce qu’ils doivent dire après un tel spectacle. Il faut dire aussi que c’est difficile, parce que je viens de parler pendant une heure et il n’y a plus beaucoup d’arguments. Je les ai presque déjà tous réfutés.
A.Y: Vous travaillez depuis quelques mois dans votre propre collectif. Les raisons pour lesquelles vous avez quitté la Schaubühne tiennent-elles au fait que vous vouliez jouer des pièces politiquement engagées ?
A.T: Sinon je n’aurais pas pu faire cette pièce avec Lars Norén. Avec le Ballhaus Ost, nous venons justement de créer une pièce, « 25 Mai », qui traite des mères qui se débarrassent de leurs enfants dans les toilettes ou qui les jettent par la fenêtre. Quand on joue en son nom propre et qu’on ne dépend pas d’une institution, on peut se permettre de faire de telles choses. »
texte: Aurélie Youlia
traduction: Marion Bohy-Bunel
Par Aurélie Youlia, comédienne bilingue de culture française et allemande.
(interview en allemand, traduction Marion Bohy-Bunel)
Aurélie Youlia: Vous jouez „Le 20 Novembre“ au festival de Saarbruck en français et en allemand. Quelle est la version originale?
Anne Tismer: La première était en français, elle a été jouée pendant le festival de Liège. Lars Norén, auteur et metteur en scène de la pièce, est suédois. Nous parlons anglais ensemble, et pour le français nous avions une interprète.
A.Y: Le titre fait directement allusion à ce qui s’est passé le 20 novembre dernier à Emsdetten (Rhénanie-Westphalie), quand le jeune Sebastian Bosse a ouvert le feu dans son ancienne école sur plusieurs de ses camarades de classe.
A.Tismer: La pièce ne parle pas que de ce garçon, mais c’est l’éditeur qui voulait ce titre.
Lars Norén voulait l’appeler « Destruction », parce qu’il est question de tout faire exploser. Mais il ne s’agit pas de faire un documentaire sur l’histoire de Sebastian Bosse.
A.Y: Mais les photocopies que vous distribuez pendant la représentation sont bien des extraits originaux de son journal intime ?
A.T : Oui. La première fois que je l’ai lu, j’ai été très impressionnée qu’il y ait quelqu’un qui fasse l’annonce sur Internet de ce qu’il voulait faire. Et aussi qu’il raconte des choses dont on ne parle presque jamais à l’école, parce que quand on est adolescent on pense être responsable de ce qui nous arrive, et ça nous fait honte. Mais ce garçon a écrit sur sa souffrance et ses humiliations. Et là, je me suis souvenu de mes propres expériences à l’école.
A.Y : C’est à peu près la même chose pour le spectateur, même si on n’a pas forcément envie de devenir des meurtriers tout de suite.
A.T : Ce qui est très important, c’est qu’il n’était pas une victime. Mais des pensées comme celles-là, ça ne vous laisse pas de repos, et à un moment donné, quelque chose doit se passer. Mes souvenirs d’école ont été un véritable déclencheur pour l’interprétation de cette pièce.
A.Y: L’autoreprésentation dans cette génération est fortement imprégnée d’Internet, de la télévision, d’attitudes que vous reprenez vous-même dans la pièce.
A.T : Des nos jours, n’importe qui peut se montrer sur You-Tube-Canal, et voir son image diffusée en un clin d’œil dans le monde entier. Partout, on vous impose un modèle. En Allemagne, tout le monde est fan d’un quelconque Américain, ils ont la cote. C’est pour ça que Sebastian parle en anglais, parce qu’il veut que tout le monde le comprenne. Mais il n’aura jamais cette chance, et Internet est tout ce qu’il lui reste.
A.Y: Le fait de jouer en allemand ou en français fait-il pour vous une différence ?
La représentation en allemand semblait plus dure, plus choquante et plus explosive. A.T: Cela vient du fait que c’est moi qui ai traduit la pièce du français vers l’allemand. J’en ai profité pour faire des modifications et rendre certaines choses encore plus violentes.
A.Y: Était-ce votre première collaboration avec Lars Norén ?
A.T: Oui. Nous avions un collègue en commun, qui m’a demandé si je voulais faire quelque chose en français avec Lars Norén, et j’ai dit oui. Puis il a demandé à Lars, qui ne me connaissait pas, et nous avons réfléchi à ce que nous voulions faire. Pendant ce temps, il y a eu cet épisode à Emsdetten. Et là j’ai su que je voulais faire quelque chose sur ce sujet.
A.Y: Et Norén a écrit le texte pour vous ?
A.T: Oui. Il est parti du texte que ce garçon avait écrit sur Internet, et il l’a transposé dans sa propre écriture théâtrale.
A.Y: Quelle a été la réaction du public jusqu’à maintenant ?
A.T: Très variée. Certaines personnes ont quitté la salle parce que le texte contient des passages fascisants. Après quelques représentations, j’ai mené des discussions plus longues. Parfois les gens ne savent pas du tout ce qu’ils doivent dire après un tel spectacle. Il faut dire aussi que c’est difficile, parce que je viens de parler pendant une heure et il n’y a plus beaucoup d’arguments. Je les ai presque déjà tous réfutés.
A.Y: Vous travaillez depuis quelques mois dans votre propre collectif. Les raisons pour lesquelles vous avez quitté la Schaubühne tiennent-elles au fait que vous vouliez jouer des pièces politiquement engagées ?
A.T: Sinon je n’aurais pas pu faire cette pièce avec Lars Norén. Avec le Ballhaus Ost, nous venons justement de créer une pièce, « 25 Mai », qui traite des mères qui se débarrassent de leurs enfants dans les toilettes ou qui les jettent par la fenêtre. Quand on joue en son nom propre et qu’on ne dépend pas d’une institution, on peut se permettre de faire de telles choses. »
texte: Aurélie Youlia
traduction: Marion Bohy-Bunel
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